Idée reçue n°2 : la théorie de la dominance homme-chien

Au-delà de la dominance, comment penser la relation homme-chien ?

La théorie de la dominance chez le chien, une vraie escroquerie

Avant tout développement, je souhaitais vous dire pourquoi j'ai voulu écrire cet article.

 

En préparant ma séance canine collective de dimanche 24/03/2019, dont la thématique est : "Au secours, mon chien est dominant, est ce grave docteur ?", j'ai cherché à développer un verbatim de propos recueillis dans la presse, spécialisée ou non, sur la dominance.

 

Je suis tombé sur tellement d'inepties et de propos sans sens et sans fondement, mais néanmoins très affirmatifs que j'en ai été écœuré. Comment peut on encore, au 21ème siècle raisonner comme au moyen âge ?

Des propos développés par tout un tas de personnes plus ou moins informées sur le chien que je m'abstiendrais de citer mais que vous retrouverez aisément en cherchant sur google : "dominance, homme-chien, presse".

Peu, y compris dans les sites spécialisés, savent de quoi ils parlent. Et souvent les articles ne sont pas signés.

La théorie de la dominance canine envers l'homme, c'est quoi ?

Il s'agit d'un concept vieux comme le monde, qui pose en idée incontournable que l'homme doit être le chef, le leader, celui qui sait, qu'il faut suivre et à qui il faut obéir.

L'idée de départ est donc que l'homme doit être le dominant et le chien le dominé. Les défenseurs de cette théorie prennent comme exemple la meute de loups dans laquelle la règle hiérarchique serait immuable. Le loup alpha et sa femelle règnent et les autres sont soumis (théorie remise en question, le modèle s'apparentant plus à un modèle de structure familiale qu'à un modèle de hiérarchie).

On est donc ici dans la transposition d'un modèle d’animaux sauvages vivant en meute à la vie d'un animal domestique au sein d'une famille. Où est la meute ici ? Mais oui, bien sûr, la meute c'est la famille ! Le chien ne penserait donc qu'à une chose en arrivant dans une famille, c'est prendre la place du chef … Sauf que le chien n'est pas sauvage et le comparer au loup revient à comparer le chat au tigre. 

 

On comprend aisément que ce schéma calqué de la vie en meute est faux.

Or cela peut engendrer des malentendus, des problèmes de communication et leurs dérives associées. En effet, vouloir garder sa place de dominant pour l'homme peut vite entraîner des actes violents et autoritaires, et entraîner une agressivité de la part du chien dans diverses situations, stressantes ou non.

 

En réalité, le chien peut se montrer dominant suivant les contextes et en fonction des éventuelles ressources qu'il veut protéger et dans un contexte canin uniquement. 

Parler d'un chien intrinsèquement dominant n'a pas de sens. Qui plus est envers l'Homme.

Les ressources du chien

Le chien a à sa disposition certaines catégories de ressources  

  • La nourriture
  • Le jeu
  • Le territoire
  • La reproduction
  • Son maître

Chaque chien accorde plus ou moins d'importance à chacune de ces ressources (ou à d'autres ressources secondaires, que je ne cite pas ici pour ne pas compliquer le sujet).

Il pourra se montrer "dominant" avec certaines ressources mais "dominé" pour d'autres. Il est fréquent d'observer chez 2 chiens vivant ensemble, un premier très "dominant" sur la gamelle, l'autre ne pouvant s'en approcher et par contre le premier complètement "dominé" par le second quand il s'agit d'aller chercher la balle.

Utiliser le terme dominance dans ce contexte permet de comprendre de quoi nous parlons mais je préfère quand même parler d'intérêt plus marqué pour l'un que pour l'autre. En effet il ne s'agit pas vraiment d'une relation de dominance mais d'une question d'intérêt pour la ressource.

 

Le chien n'a pas vocation à dominer son maître ou les autres chiens, cela est coûteux en énergie, avec un résultat aléatoire. Le chien ira où est son intérêt qui est notamment d'éviter le conflit lorsque cela est possible. (Je vous invite ici à vous plonger dans un livre exceptionnel : L'entraide, l'autre loi de la jungle de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle) ou à consulter cette vidéo Mon chien est dominant, un mythe à la dent dure - Le blog du site Direct-Vet réalisée par le Dr Charlotte Renard, vétérinaire conseil pour Direct-Vet.

 

Ainsi, un chien ne tirera aucun avantage à entrer en concurrence avec son maître pour prendre sa place. D'ailleurs, il en ferait quoi de cette place ?

Pourquoi cette idée de dominance est si ancrée ?

Nous avons tous entendu un jour quelqu'un dire "mon chien est dominant", c'est une idée profondément ancrée dans l'imaginaire et le discours collectif. Le chien est tellement proche de l'homme et intégré à la cellule familiale que chacun pense connaître son fonctionnement et ses besoins. De nombreux articles de revues ou sur Internet regorgent du discours "vous devez dominer votre chien", écrits par des journalistes, vétérinaires, éducateurs canins, pseudo-professionnels de tout poil !

 

Il s'agit en réalité d'un mode de pensée global où l'homme qui se considère comme le plus intelligent des animaux, asservit et utilise l'animal -au sens large- à de multiples fins (alimentaire, marchande, élevages intensifs...).

Je vous invite à vous plonger ici, les yeux grands ouverts dans le livre d'Emmanuelle Pouydebat : l'intelligence animale.

Une autre idée de la relation homme-chien

Lorsque j'ai commencé ma formation d'éducateur canin comportementaliste, j'ai vite compris les limites de cette théorie de la dominance supposée du chien envers l'homme. Evidemment, il est plus simple et rapide de penser que cela suffit à expliquer les rapports de l'animal avec son maître. "Votre chien grogne lorsque vous voulez lui faire un bisou dans son panier ? Il est dominant, il faut le mater sinon cela va dégénérer... " et l'on se retrouve avec un chien qui voulait simplement être tranquille dans son panier qui devient agressif à force d'être violenté lorsqu'il émet un grognement, signe de son stress à ce moment là.

C'est donc une théorie qui est non seulement limitée mais aussi dangereuse car elle conduit des "professionnels" à vouloir corriger un comportement et à rendre des chiens agressifs, peureux, anxieux. Les comportements canins sont à chaque fois différents, la réponse par contre est toujours la même, basée sur le même schéma erroné.

 

Je préfère voir, comme beaucoup d'autres professionnels du monde canin, la relation homme-chien sous le prisme de la collaboration, de la complicité et du plaisir.

 

Educanis en promenade à la plage
Régis (Educanis) avec ses compagnons de vie Iver et Neige admirent l'océan (Janvier 2020)

Le chien a en réalité une seule envie, faire plaisir à son maître.

Avouez que ce serait dommage de gâcher cette belle motivation !

 

La relation homme-chien est longue à construire, elle passe par les mots, les attitudes, les interactions répétées, recherchées et de qualité. C'est un vrai travail qui n'est jamais terminé, qui demande à être entretenu dans la durée, mais pour lequel les résultats sont fabuleux ! On arrive à une complicité sans faille, un réel plaisir pour le maître et le chien d'être ensemble, où la contrainte et la violence n'ont aucune place.

C'est la manière dont je travaille, mes méthodes d'éducation sont résolument positives, je vous en parlerai dans un prochain article.

Les scientifiques qui travaillent sur le sujet s'accordent à dire aujourd'hui que la hiérarchie interspécifique (entre espèces différentes) n'existe pas, de nombreux livres développent cette thématique.

 

N'hésitez pas à me contacter pour avoir des références, que je me ferai un plaisir de vous fournir !

Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    edith.stievenard@wanadoo.fr (vendredi, 17 juillet 2020 06:30)

    Je suis preneuse de vos références quant à la «dominance» chez nos amis canins pour appuyer mon discours à des amis qui ne demordent pas de leur rôle de chefs de meute.
    Merci de votre article

  • #2

    Educanis (lundi, 14 septembre 2020)

    Bonjour,
    Désolé pour le délai mais je n'avais pas été notifié de votre question.
    De nombreuses références existent et notamment toutes les études scientifiques récentes qui remettent en cause la théorie de la dominance. Un livre pour n'en citer qu'un serait Dominance, mythe ou réalité de Barry Eaton, traduit de l'anglais, aux éditions du génie canin. Vous pouvez aussi consulter les publications de Charlotte Duranton, docteur en éthologie, celles du docteur Joel Dehasse, Vétérinaire comportementaliste et bien d'autres encore.
    La liste est bien trop longue ...
    Au plaisir d'en discuter.